Maximón : un étonnant culte païen dans l’ouest du Guatémala

Fin septembre 2012. Après une balade dans le charmant village de San Andrés Xecul (hautes terres de l’ouest du Guatémala) où, à l’occasion de la Saint-Michel nous sommes invités à un banquet populaire, nous redescendons le village. Apprenant que ce lieu abrite un Maximón, nous demandons puis trouvons notre chemin jusqu’à la chapelle de ce saint païen.

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Dans la chapelle, à gauche, un premier Maximón, dans une cage de verre : dans une position hiératique, se tient la sculpture – de bois ou de plastique – d’un homme assis. A ses pieds, des billets, à sa bouche un mégot de cigarette consumée. Un peu plus loin, une statue plus grande du même personnage. Et un spectacle analogue : à ses pieds des bouteilles d’alcool vides, de l’argent ; dans sa bouche une cigarette.

Maximón de San Andrés Xecul

Maximón de San Andrés Xecul

Quelques semaines plus tard, c’est à Zunil, non loin des Fuentes Georginas, que nous entrons dans une chapelle analogue où une prêtresse donne ce qui ressemble à une cérémonie d’exorcisme d’une femme qui demandait à être libérée du mauvais sort. La scène est littéralement surréaliste, un assemblage d’éléments a priori totalement dépourvus de cohérence. Tandis que la prêtresse agite un encens autour de la femme et prie, en le tutoyant, Maximón pour qu’il lui assure sa bienveillance, ce dernier imperturbable comme une momie desséchée, trône, une bouteille d’alcool entre les jambes, les mains gantées de cuir posées sur le rebord des appuie-coudes, tandis que se consume interminablement une cigarette au bout du porte-cigarette planté entre ses lèvres. L’affaire aurait un air morbide inquiétant mais ses lunettes de jet-ski, la radio à haut volume et le petit drapeau étasunien flottant sur le dossier du « trône » provoquent davantage l’ahurissement que le choc du morbide.

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Qui est le Maximón ?

La cérémonie de Zunil a de claires allures de rituel païen. On apprend que Maximón est en fait une adaptation du saint Simon à la mythologie maya. De la même façon que le catholicisme – et avant, les mythologies romaine et grecque – dut en Europe assimiler, « avaler » pour les rallier les cultes païens (Noël, pour ne donner qu’un exemple, est calqué sur le solstice d’hiver qui avait chez certains peuples païens une importance capitale), au Guatémala, les cultes chrétiens et mayas parfois s’interpénètrent. Et c’est de là que procéderait cet étrange, ce déroutant culte d’un personnage noceur, buveur, fumeur, digne d’un Jim Morrison.

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Le Maximón de Zunil

En fait, on peut supposer que le nom de saint Simon qui lui est parfois donné fait plutôt office de paravent, d’alibi chrétien à un véritable culte païen. Il serait en fait le mélange de saint Simon et d’un dieu de l’inframonde maya Maam, ce que le nom lui-même semble attester (Maam + Simón = Maximón). Cependant, il serait parfois l’incarnation du conquistador Pedro de Alvarado, du biblique traître Judas Iscariot, ou d’autres saints chrétiens… Il symboliserait la puissance virile ; d’ailleurs, le jour où il est célébré coïncide avec le début de la fertile saison des pluies. Il est aussi considéré comme le saint des joueurs et des soûlards, des marchands et des voyageurs. Il va de soi que l’Eglise catholique n’a pas vu d’un bon œil ce curieux culte d’un personnage promettant la richesse et la réussite sur Terre…

Faute de prétendre pouvoir dire sur ce personnage étonnant tout ce qu’il y a à en dire, nous invitons nos lecteurs à lire ce court article du CNRS, qui rend compte d’un livre sur le sujet par la sociologue et spécialiste des nouveaux cultes en Amérique latine Sylvie Pédron-Colombani. Celle-ci résume : « Ses actions peuvent être tantôt bénéfiques, tantôt maléfiques. Hommes et femmes font appel à lui aussi bien pour obtenir une guérison ou un succès commercial ou amoureux que pour provoquer le malheur chez leur voisin. Créé, selon la légende atitèque, pour sauvegarder l’ordre sexuel dans le village, il est le premier transgresseur de la morale qu’il est censé garder ».

Lire aussi ce long article (en anglais) sur le site de la ville Santiago de Atitlán, ainsi que cet article en français, assez complet.

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Il y a 4 commentaires

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  1. Leslie@Voyage Perou

    wow, ça doit être spécial à voir quand même! J’aurais peur qu’il bouge 😉

  2. Pascal

    Un récit d’une aventure plutôt originale.

    C’est un voyage dans les profondeurs des croyances et rites « populaires » d’autres pays. Je ne pensais pas qu’il pouvait y avoir ce genre de chose. C’est plutôt déroutant.

    Vous n’avez eu qu’a demander pour accéder à cela ?

    • Mikaël

      Bonjour Pascal et merci pour ton commentaire.

      La chose est étonnante, mais tout en restant un rituel, une croyance populaire, ce qui m’intrigue, c’est sa commercialisation. Plus le temps passe, plus j’observe que l’esprit du touriste consiste à porter sa curiosité partout, et plus je m’interroge sur les limites de ce phénomène. Tourisme de la pauvreté, tourisme à alibi ethnologique consistant à aller rencontrer des tribus reculées à l’abri de la civilisation moderne, rituels traditionnels (gnawas, cérémonies mayas, etc.) : plus le temps passe et plus je me dis que dans l’intérêt de certaines cultures, pour leur épargner de jouer le jeu du zoo humain à des fins mercantiles, il est des choses qui devraient être maintenues inviolées, inaccessibles aux touristes.

      Sur VDN ou sur Ragemag.fr, j’écrirai à coup sûr sur le sujet dans les mois à venir. Il me semble qu’une certaine frange du tourisme s’avère renouveler le zoo humain. Bon, je reconnais m’éloigner un peu du sujet du Maximon – quoique… Car assister pour quelques sous à un rituel païen ne me semble pas si différent de l’immonde commercialisation de l’événement sacré pour les Mayas du B’aktun 13, par le gouvernement guatémaltèque.

      Cordialement,

      Mikaël

  3. Laurent

    Ils devraient ajouter quelques statues hindoues ou je ne sais quelle babiole asiatique pour rendre la scène encore plus kitsch !! Enfin ça à l’air déjà pas mal comme ça !!


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