Le parc Jean-Jacques Rousseau d’Ermenonville

Lieu pionnier en France en matière de jardins à l’anglaise, le domaine d’Ermenonville, sous l’impulsion du marquis de Girardin, demeure, en dépit des outrages du temps, un témoignage magnifique de l’esprit du XVIIIèmesiècle et, à plus forte raison, de son visionnaire concepteur. Certes, aujourd’hui, le nom de son créateur a été relégué derrière celui du philosophe et écrivain Jean-Jacques Rousseau qui passa là les dernières semaines de sa vie et y fut ensuite enterré. Ce lieu splendide, marqué par la pensée singulière du marquis, demeure aujourd’hui encore propice à la rêverie, à la douceur et à la méditation qu’il voulait encourager.

Jean-Jacques Rousseau écrivit un jour : « Défiez-vous de ces cosmopolites qui vont chercher au loin dans leurs livres des devoirs qu’ils dédaignent de remplir autour d’eux. Tel philosophe aime les Tartares, pour être dispensé d’aimer ses voisins ». La chose est devenue aujourd’hui très commune, encouragée du reste par le capitalisme du tourisme et les compagnies aériennes à bas coût : un nombre sans cesse croissant de consommateurs de voyage préfèrent aller loin de chez consommer du dépaysement superficiel, plutôt que s’intéresser à leur patrimoine, leur culture. Combien de Parisiens, par exemple, connaissent le merveilleux Musée de la Magie et des Automates ? Combien sont allés visiter l’étonnant Musée des Vampires ? Combien ont eu la curiosité de lire sur l’histoire de Paris, de ses monuments et de ses rues, d’en explorer la région, ses forêts, ses parcs, ses châteaux ? Et combien, en rapport, sont-ils plus familiers de l’aéroport de Beauvais, d’Orly ou de Roissy ?

De l’étonnante Closerie Falbala, œuvre maîtresse de Jean Dubuffet (Périgny), à la pagode de Vincennes, en passant par la Villa Savoye de Le Corbusier (Poissy), le jardin zen de Rueil-Malmaison, le château de Fontainebleau (l’une des capitales de l’humanisme français et du maniérisme international) ou d’autres lieux historiques majeurs de la royauté (château royal de Vaux-le-Vicomte, cathédrale de Chartres), la région parisienne et le bassin versant de la Seine abondent en merveilles historiques comme en fantaisies étonnantes à découvrir, par exemple, lors d’un week-end insolite avec Smartbox. Autant de découvertes qu’un peu de curiosité et de volonté rendent accessibles en peu de temps depuis Paris et pour un plaisir plus délicat et moins moutonnier qu’accourir à Dublin pour la Saint-Patrick ou Munich pour l’Oktoberfest.

Penchons-nous sur l’un des lieux de la grande région parisienne (de fait, il est situé en Picardie…) : le parc Jean-Jacques Rousseau, à Ermenonville.

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Portant à présente le nom du célèbre auteur des Confessions et du Contrat social, le domaine d’Ermenonville fut la dernière résidence de Jean-Jacques Rousseau. Ci-dessus, la « cabane du philosophe », où ce dernier passa beaucoup de temps lors des dernières semaines de sa vie, en 1778, et qui fut détruite au XIXème siècle par l’un des héritiers du domaine. (Gravure d’Adolphe Jouanne datant de 1860. Source : Commons Wikimedia).

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C’est sur l’île des Peupliers que reposaient les cendres de Jean-Jacques Rousseau jusqu’à leur transfert en 1793 au Panthéon de Paris. La tombe étant vide, il s’agit d’un cénotaphe, entouré de quelques arbres. (Source : Parisette / Commons Wikimedia).

Histoire de l’un des premiers jardins à l’anglaise en France

Héritant en 1762 d’une importante fortune de son grand-père, le marquis René-Louis de Girardin rachète les parts des autres héritiers sur le domaine d’Ermenonville. Marqué, lors de ses voyages, par les jardins à l’anglaise, il décide de s’en inspirer et s’adjoint même, pour conseiller artistique, le prestigieux peintre d’architectures et de ruines Hubert Robert.

Un vaste chantier est alors lancé et 200 ouvriers anglais sont mobilisés à l’assèchement des marais et au gros œuvre, travaux qui nécessitent une dizaine d’années. Inspiré du jardin à l’anglaise, le parc d’Ermenonville est alors rehaussé d’une touche précoce de romantique, par des « ruines » artificielles et autres constructions dites « fabriques », dont le célèbre Monument à la Philosophie. Il marque une rupture avec le style classique et rationnel, celui du jardin à la française à la Le Nôtre, et marque en un sens le passage historique à une valorisation des forces de la nature, du goût des ruines et du tragique, annonçant le romantisme.

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Peinture de Hubert Robert (1733-1808) représentant le Temple de la Philosophie, dont il avait conçu les plans.

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Le Temple de la Philosophie moderne : son allure de ruine est délibérée, symbolisant l’idée que le savoir n’est jamais complet (source : Parisette/Commons Wikimedia).

Conçu par un amoureux de la peinture paysagère, le parc revendique délibérément le pittoresque et cherche aussi à exciter l’esprit à la philosophie comme à la poésie. Pour son époque et pour sa classe, le marquis de Girardin professe des idées qui sont fort peu communes et vont bien au-delà du seul paysagisme, pour embrasser la politique, l’économie, le social, prônant notamment une réforme agraire et une réorganisation sociale marquées par une préoccupation égalitaire et une lutte contre la misère en milieu rural, notamment par la mise en commun des terres villageoises.

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Gravure de Mérigot fils, représentant la Brasserie, issue de la transformation des ruines d’un moulin (vers 1783).

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Le pont de la Brasserie (source : Commons Wikimedia).

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Cette autre gravure de Mérigot fils représente le Temple rustique, sur un promontoire qui reste aujourd’hui encore visible.

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Une vue de l’étang ; à droite, l’île des Peupliers ; au fond, le château (source : Commons Wikimedia).

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Le gouffre, petit étang au sud de la prairie arcadienne (source : P. Poschadel/Commons Wikimedia).

Croyant que le contact avec la nature peut améliorer l’homme, les ravages que subit son domaine lors de la Révolution française le conduit, déçu, à l’abandon de ce projet en 1800.

D’héritage en héritage, les fonds insuffisants pour l’entretien des lieux, la dégradation par négligence ou la destruction pure et simple de diverses fabriques (dont la « cabane » où Jean-Jacques Rousseau avait vécu et travaillé lors du séjour à Ermenonville où il finit sa vie en 1778) conduisent à une succession de mises en vente, les ambitions restauratrices de certains acquéreurs étant empêchées par le caractère onéreux de l’entreprise.

L’Institut de France acquiert une partie du domaine, le « Désert », en 1912 et en demeure, à ce jour encore, propriétaire. Le rachat en 1932 par le capitaliste italien Ettore Bugatti cause le démembrement du domaine et la mise en vente du patrimoine mobilier et des collections ayant appartenu au marquis de Girardin et à Jean-Jacques Rousseau. Le domaine continue à se dégrader, les coûts de restauration étant trop exorbitants ; ce n’est que dans les années 1980 que le Conseil général de l’Oise acquiert le domaine, engageant d’importantes restauration à partir de la décennie suivante.

Depuis le décès de son fondateur, quelque 27 fabriques auraient été détruites ; d’autres constructions firent leur apparition sur le domaine d’Ermenonville par la suite, notamment le château d’eau de style gothique ou le kiosque de Belle Gabrielle, dues aux propriétaires successifs.

Aujourd’hui, la visite du parc Jean-Jacques-Rousseau permet de réaliser diverses activités ou découvrir les animations organisées : promenades contées, ateliers pour enfants, ateliers d’écriture, art contemporain et est accessible à des publics de tous âges pour un tarif très raisonnable (voir plus bas).

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Vue du château d’Ermenonville (source : Commons Wikimedia).

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Château d’eau de style néogothique, érigé à la fin du XIXème.

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Gravure de Mérigot fils, représentant l’obélisque, l’un des fabriques à présent disparues (vers 1783).

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La grotte des Naïades (source : P Charpiat, Commons Wikimedia).

Informations pratiques

  • Ouverture : Du 1/04 au 30/09 : tous les jours, de 10 à 19h. Du 1/10 au 31/03 : tous les jours de 11 à 17h30. Fermé le 1er et le 11 novembre, le 25 décembre et le 1er janvier.

  • Tarifs : Plein tarif : 5 €. Tarif réduit : 3 € (étudiants, militaires, anciens, chômeurs). Gratuit pour les mineurs et les personnes handicapées.

  • Comment s'y rendre : En voiture, depuis Paris : sortie n°7 sur l’A1, puis N330, direction Ermenonville, centre. En train, depuis Paris : Gare du Nord-Plessis-Belleville, gare située à 7 km du parc. Depuis Lille, en voiture : sorte sortie n°8 de l’A1, puis N330, direction Ermenonville, centre.

  • Contact : Renseignement et réservation : info[at]parc-rousseau.fr.

  • Site internet : Parc Jean-Jacques Rousseau

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