Pahargangj, une caverne aux milles trésors
Le rendez-vous est donné à 10h devant le railway reservation center de New Delhi. Nous sommes guidés par Ajay, alias Max, un jeune homme très souriant d’une vingtaine d’années coiffé à la dernière mode coréenne, qui s’exprime dans un parfait anglais. L’association Salam Balaak Trust (« salut à l’esprit de l’enfant ») a été lancée en 1988 à la suite de la sortie cette même année du film Salaam Bombay de la réalisatrice indienne Mira Nair. Depuis lors, l’association vient en aide aux enfants des rues de Mumbai, Bhubaneshwar puis Delhi. L’association propose des visites guidées dans le quartier de Pahargangj depuis 1997 qui visent à sensibiliser au sort des enfants des rues et à financer une partie de ses actions.
La balade est également l’occasion d’arpenter des lieux de mémoire et de sentir le pouls de la vie locale. Le quartier de Pahargangj abrite le main bazaar (bazar principal) qui s’étend sur plus d’un kilomètre. Ses rues étroites, odorantes, sonores, sales et bondées de monde, donnent le vertige à de nombreux voyageurs. Elles recèlent cependant de nombreux trésors : des boutiques de livres, bijoux ou textiles et des marchands ambulants en tout genre. Le parcours permet également d’aller à la découverte des artisans du quartier, notamment des potiers. Au détour d’une ruelle, l’on peut trouver des hôtels ou des restaurants bon marchés. Certaines bâtisses ont plus de 60 ans, comme l’atteste leur aspect défraîchi. Certains même sont en ruine. Le guide multiplie les anecdotes en présentant, par exemple, la fonction des représentations de dieux hindous au bas des murs des impasses. Ces icônes, en plus de leur fonction décorative, servent à lutter contre les pissoirs sauvages, les murs devenant sacrés… Devant tant de merveilles et de rudesse, les promeneurs sont appelés à ne pas dégainer leur appareil photo en signe de respect pour le voisinage.
Une enfance de tous les dangers sur les trottoirs de Delhi
La promenade conviviale et participative, permet de répondre aux diverses questions des visiteurs sur ce problème social que constituent les enfants en errance, dans un descriptif détaillé sans langue de bois et sans concession. La gare de New Delhi accueille chaque jours plus de 360 000 voyageurs. Parmi eux, on dénombre près de 50 000 enfants, soit 0,4 % de la population. Ils arrivent pour en provenance de grandes villes et autres campagnes indiennes, comme Ajay quelques années plus tôt.
Souvent, les enfants quittent leur foyer pour fuir la pauvreté, un contexte familial difficile ou un mariage arrangé. Beaucoup ont une image idéalisée de la rue, telle qu’exposée dans des films bollywoodiens à succès. Un Eldorado qui, à terme, finit par leur brûler les ailes. Souvent enrôlés dans des gangs, ils vivent de petits larcins et se nourrissent auprès de temples sikhs ou autres communautés religieuses. Ils gagnent leur vie en ramassant des ordures dans la rue ou en se livrant à la prostitution. Pour passer le temps, ils enchaînent les séances de cinéma ou se défoncent à la colle ou au crack. Souvent, ils dorment dans l’enceinte de la gare sur les chariots de la Poste et font l’objet de violences policières.
Les touristes sont appelés à un comportement citoyen : un numéro spécial existe (le 1098) pour signaler les enfants en danger qu’ils croisent sur leur route. Au cours de ses diverses maraudes, les intervenants sociaux de Salam Balaak Trust repèrent les nouveaux naufragés dans les nombreux points de contacts que compte l’association dans la ville. Les bambins sont également accueillis dans des accueils de jour et des refuges où des soins médicaux et un accompagnement social leur sont prodigués.
La balade s’achève par la visite d’un de ces centres, pour un temps d’échange avec les enfants d’une rare intensité. Les enfants sont toujours ravis d’accueillir les visiteurs, en particulier les touristes étrangers. En dépit de la barrière de la langue, quand certains d’entre eux ne s’expriment pas en anglais, le jeu demeure universel et permet de tisser des liens rapidement avec eux et leur offre un moment de répit. Là encore, les appareils photos ne sont pas les bienvenus du fait de mesures de protection de l’enfance.
Malgré la dureté de leurs conditions de vie, ces enfants en guenilles sont pourtant l’avenir de la nation. Les success stories parmi les jeunes accueillis sont moins rares qu’on le croit. Des enfants, au prix de grands efforts, parviennent à poursuivre de longues et brillantes études et deviennent ingénieur, photographe de renom ou même acteur. La preuve qu’une réinsertion reste possible après une vie à la rue, grâce à l’action d’associations de terrain exemplaires.
Il est possible de soutenir le Salaam Balaak Trust en lui adressant vos dons, en proposant vos services en tant que bénévoles (un mois minimum) ou en participant à ces visites guidées contre une participation de 200 Roupies. Des balades urbaines de 3 heures sont également proposées dans le quartier de Old Delhi.
Plus d’infos sur le site du Salaam Baalak Trust.
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Il y a 1 commentaire
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Bonjour. En regardant un reportage sur la situation de la jeunesse à Mumbai, j’avais été sidérée par les épreuves que subissent ces jeunes dès leur plus jeune âge. Dormir dans la rue entre les voitures, se faire battre par la police, se prostituer … la liste est malheureusement longue. Il faut envoyer des dons aux associations afin qu’elles puissent aider ces enfants, et ainsi apporter un peu de bonheur dans leurs vie!