Ouvert en 2005, le lieu, auquel on accède à pied depuis le métro Mairie des Lilas (ligne 11), n’est pas signalé et se trouve au cœur d’un pavillon résidentiel : pas l’idée que l’on se fait habituellement d’un musée. En arrivant, Jacques Sirgent nous ouvre le portail et nous pénétrons dans le jardin de sa maison, où se trouvent posés une tombe et quelques accessoires décoratifs à l’avenant. Puis l’on entre dans une maisonnette, qui abrite ledit musée à proprement parler.
De prime abord, l’impression est étrange : une sorte de bazar thématique autour du mythe vampirique : un apparent fatras d’affiches de cinéma (dont l’incontournable Béla Lugosi), de masques, de peintures et de vieux meubles ; une chauve-souris-vampire d’Amérique du Sud, une photo dédicacée de Bram Stoker et une machine à écrire d’icelui ; 82 dictionnaires mentionnant « fantôme », « vampire », « vampirisation ». C’est alors que Jacques Sirgent commence à nous expliquer un peu où nous sommes, qui il est… et à exposer toute une contre-histoire du christianisme, vu par ses marges, par ses victimes.

Machine à écrire de Bram Stoker, auteur de Dracula.
Auteur de plusieurs livres (dont une biographie sur la sanguinaire comtesse Erzsébeth Báthory, ainsi que Le Vampire en France ou encore Lieux étranges et maisons hantées à Paris), Jacques Sirgent révèle une érudition généreuse, un goût de transmettre qui est un bonheur pour le visiteur curieux. De fait, ce que d’aucuns prendraient pour une lubie fantaisiste relève surtout d’une passion intellectuelle richement nourrie, loin de tout enfantillage. Marqué, alors qu’il était élève dans une école au Canada, par le fanatisme catholique, il s’est progressivement spécialisé sur la personnification du mal en littérature, ce qui l’a conduit notamment à réviser, pour les éditions J’ai lu, la traduction du Dracula de Bram Stoker, dont les versions françaises antérieures étaient demeurées négligées.

Jacques Sirgent, créateur de ce singulier et passionnant Musée des Vampires
Plus qu’aux vampires en soi, il confesse s’intéresser surtout « à la croyance dans les vampires » et se définit comme « historien du mal ». À travers ses recherches et sa collection d’objets sur quoi il s’appuie pour narrer en improvisant, il retrace l’histoire de la figure mythique et du concept même de « vampire ». C’est ainsi qu’il nous cite le livre du mystique Thomas de Kempis L’imitation de Jésus-Christ comme étant la première mention historique du vampirisme, étayant son exposé de nombreuses citations de fanatiques de l’histoire chrétienne. Et de rappeller que « tous les pays ont connu le vampire, mais le plus emblématique est le vampire européen, né dans une tradition judéo-chrétienne, basée sur la peur et la répression spirituelle et surtout physique (pour l’Église, une femme amoureuse est une morte vivante, qui tire l’homme vers le bas, plutôt que le laisser s’élever vers le Ciel). Et, en enfonçant un pieu dans le cœur de l’homme ou du vampire, on tue les passions qui sont la principale cause du péché pour l’Église ».
« Les créatures de l'imaginaire sont donc ancrées dans la vie réelle »
« La croyance aux vampires remonte à plus de 450 000 ans avant notre ère, aux vestiges des premiers rituels funéraires trouvés en Chine. Elle est liée bien évidemment au sang, liquide primordial et vital mais aussi aux thématiques de la sorcellerie et de sa répression, avec les religions établies où la survie de l’âme le dispute à celle du corps, avec ses besoins et ses passions, ce que représente précisément le vampire et son immortalité relative puisqu’on peut le tuer en détruisant son cœur…
De tout temps les légendes ont permis au plus grand nombre d’essayer d’appréhender leur environnement pour en avoir moins peur… Les légendes sont un kit de survie dans un environnement hostile ; les étudier permet de mieux comprendre nos craintes et nos aspirations, tout simplement. Les créatures de l’imaginaire sont donc ancrées dans la vie réelle puisqu’elles ont pour but de nous protéger de ses méfaits, plus réels que supposés.
Aussi étonnant que cela paraisse, le vampire est intimement lié au loup-garou, sur un plan essentiellement judiciaire et ce depuis 1521, date des premiers procès pour lycanthropie au cours desquels les garous supposés étaient accusés de s’être comportés en monstres, buveurs de sang … diablement machiavélique de la part des instances judiciaires et religieuses, désireuses de tuer dans l’œuf les croyances païennes des pauvres gens qui n’étaient pas tous pauvres et surtout pas pauvres d’esprit ! » (Source : site du Musée des Vampires et Monstres de l’imaginaire)
Mythe populaire, le vampire (ou le vampirisme, au sens le plus large, psychique inclus) est un concept très ancien : Jacques Sirgent y rattache Antigone (« Je m’occupe de la survie des morts ») non moins que le rituel chrétien d’incorporation du sang du Christ, rappelle que « les premiers chrétiens furent accusés de boire le sang des nourrissons », croyance que se réappropriera plus tard l’Église pour persécuter les « sorcières » à son tour. S’il s’attarde volontiers sur d’obscurs théologiens médiévaux et renaissants, textes à l’appui, il passe aussi par diverses célèbres figures de « vampires » à travers l’histoire, notamment Dracula ou la comtesse Báthory, à la lumière d’une analyse historique convaincante.
Et de démontrer que ce mythe, qui évoque l’obscurantisme en nos temps de rationalisme (héritage des Lumières, puis du scientisme du XIXe siècle), n’est pas révolu à un lointain passé. Ainsi, rappelle-t-il que des Juifs polonais rescapés d’Auschwitz, accusés de vampirisme, furent brûlés vifs en 1945, ou encore que des rituels vampiriques ont encore lieu à ce jour, notamment au Père Lachaise, où du reste il organise des visites guidées – passionnantes – sur la thématique occultiste. Ceux que la visite du musée aura séduits gagneront à faire en compagnie de Jacques Sirgent une visite guidée du cimetière du Père Lachaise : qu’on le pense un « poète » fantaisiste ou qu’on lui reconnaisse le sérieux d’un libre penseur hors-les-clous, cet homme a la capacité de donner des ailes à l’imagination.
Informations pratiques
Ouverture : Ouvert toute l’année, sur réservation : visite-conférence de 2 heures. (Ci-dessous, les coordonnées).
Tarifs : 6 Euros.
Comment s'y rendre : Métro : stations Porte ou Mairie des Lilas (ligne 11 ). Le Musée des Vampires est situé à 100 mètres de Paris, à la limite du XXe arrondissement. En sortant du métro, il est aisé de se repérer grâce à la carte du quartier et de s’y rendre à pied.
Adresse : 14, rue Jules David, les Lilas
Contact : Courriel : museedesvampires [at] sfr.fr ; téléphone : 06 20 12 28 32 ou au 01 43 62 80 76.
Site internet : Musée des Vampires et Monstres de l’imaginaire.
Crédits photos : le Musée des Vampires et des Monstres de l’imaginaire.
Addendum : Cet article était initialement destiné au blog Check In Trivago pour lequel il a été écrit. Le site ayant préféré renoncer à le publier, il nous a cordialement autorisé à le diffuser sur VDN, ce pourquoi nous l’en remercions.
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Il y a 1 commentaire
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Avis aux amateurs d’occultismes… Je dis pourquoi pas!
Surtout une visite du Père Lachaise version occultisme, là, on est à 100% dans l’insolite.