Depuis plusieurs mois, tout indiquait la fin du royaume des Voyageurs du Net : sous son plastron blanc immaculé, bouillait un nouveau monde. Et voilà : le croulant empire VDN a été renversé : c’est l’avènement révolutionnaire de la République libre de VDN, hourra ! Tremblez, capitalistes ventrus ! Tremblez, chapeaux haut-de-forme !
A nouvelle entité, nouvelle identité ; à nouvelle organisation, nouveau chef – et nouvelle propagande. La République libre de VDN s’est donc dotée pour conduire ses destinées du Capitaine Amiral Vladimir, Grand Timonier des Océans, un dictateur moustachu, mi-Capitaine Haddock, mi-Joseph Staline, pour tenir la barre. Car, pour parodier Voltaire qui le disait au sujet de Dieu, nous avons résolu sitôt l’ordre ancien renversé, que si le Grand Timonier n’existait pas… il faudrait l’inventer. C’est donc au camarade guatémaltèque – que nous avons immédiatement reconnu des nôtres – Ian Diegovitch Arravillagov que nous avions confié la mission de réaliser notre plastronnante propagande.
C’est ainsi que, tout d’abord, dans la confusion et l’effusion post-révolutionnaires, nous lui avons demandé de réaliser pour un nouveau logo. C’est ainsi qu’il soumit au Comité central ces premiers essais :
Le Comité central de la propagande révolutionnaire (CCPR) fut déception. Mais, sous la menace d’un procès qui le conduirait à coup sûr au goulag, le camarade Ian se dépassa. D’abord, la référence au constructivisme, effleurée dans le premier logo, nous rappela d’autres images – à commencer par celle de Rodtchenko, maître de la propagande soviétique.
Nous nous plongeâmes alors dans les archives de la propagande : « soviétique », vietnamienne, nord-coréenne, étasunienne, publicitaire aussi. (Rendons d’ailleurs hommage derechef au blog La Propagande stalinienne.) Un délice de grotesque, de grandiloquence, de mensonge, toujours au service d’une minorité de menteurs drapés derrière les plus nobles principes, qu’ils bafouent naturellement.
A la vue du moustachu tyran en grand timonier, notre cœur se mit à battre : l’image était parfaite. Nous tenions là la base. Notre dessinateur propagandiste pouvait alors commencer son travail. Pour compléter l’affaire, nous choisîmes, de lui faire un bras tendu vers le lointain, comme lorsque la propagande stalinienne suggère le caractère visionnaire d’un Petit Père des Peuples (ou de Lénine) indiquant le chemin aux masses :
Et, pour suggérer la hauteur divine de notre Grand Timonier, d’en référer à l’imagerie religieuse : la main du Créateur donnant la vie à Adam (Michel-Ange), motif répété par le Caravage (La Vocation de Matthieu) ; nous avons aussi pensé à Masaccio et son Eve et Adam chassés du Paradis, notre Grand Timonier par son geste autoritaire, pouhissant et virilo-paternaliste, chassant les touristes-pécheurs, éplorés, du Paradis VDN. Mais nous y renonçâmes. Voulant mêler moustache de Staline et barbe du Capitaine Haddock, nous avons obtenu ceci du camarade Ian :
Si la chose ne nous a pas immédiatement sauté aux yeux, nous avons cependant remarqué que la main au doigt tendu indiquant une direction et invitant à changer de cap… était tendancieuse et rappelait le salut fasciste, ce qui nous a paru fort malvenu alors que la France semble s’engager dans une polémique inutile de plus sur la « quenelle » (le gouvernement du PS — Pire Solution –, c’est-à-dire des prétendus « socialistes » n’en finit pas d’enchaîner les diversions sur des sujets de peu d’importance, pour cacher non pas son impuissance, mais son refus de réformer et d’affronter le capitalisme, et son choix délibéré de renforcer le pouvoir des entrepreneurs et oligarques). Nous avons donc opté pour le salut au poing levé et au bras plié, salut qui émergea d’abord en opposition au salut fasciste en Allemagne puis dans toute l’Europe dans les années 20, avant de devenir un symbole révolutionnaire.
Alors, pourquoi la propagande stalinienne ? Sympathies pour le bourreau des peuples ? Nostalgie de l’autoritarisme et de la fascination béate des intellectuels pour Moscou ? Que nenny !
Depuis la salle des machines
Le nouveau vaisseau sur lequel vous naviguez est un bijou d’architecture navale. Certains travaux sont encore en chantier mais les premiers tests en mer agitée se sont révélés concluants. Afin de rendre compte au Capitaine Amiral, l’équipage tout entier vous serait reconnaissant de noter dans notre carnet de bord vos avis, remarques et suggestions au sujet de votre premier voyage au sein de la République libre et flottante de VDN. A vos claviers moussaillons, direction les commentaires.
Parce que, d’une part, qu’on le veuille ou pas, et même si pour une large partie de l’humanité, cette imagerie est rattachée à une mémoire de l’horreur, de la dictature, de la bureaucratie, pour une autre partie de l’humanité, elle renvoyait à une puissance dont la valeur était essentiellement symbolique (non moins, par exemple, que le Vénézuéla bolivarien aujourd’hui, même si la comparaison s’arrête là, le chavisme étant une expérience démocratique irréfutable en dépit des critiques légitimes qu’on puisse adresser au régime par ailleurs). L’URSS était à la fois une puissance majeure pesant contre le monde capitaliste, et justifiant bien des compromis (ou conquêtes sociales) et relevait surtout, dans le « monde libre », du symbole, lequel renvoyait à une espérance – celle d’un monde plus égalitaire, plus juste, plus fraternel – et à un combat : celui des travailleurs, des prolétaires, des classes ouvrières, contre le Capital, contre l’avidité des riches prêts à tout pour maintenir leurs privilèges, même à la guerre. Que les choses soient claires : nous partageons l’opinion de Cornelius Castoriadis : « URSS, quatre lettres, quatre mensonges » et ce qu’elle était relevait du capitalisme d’Etat. Notre idéal n’est pas l’Union soviétique ; mais nos convictions s’ancrent volontiers dans une mémoire populaire qui, dans cette lutte contre l’arbitraire des puissants du Capital, comptait sur la peur qu’inspirait à ces derniers la puissance de l’Est.
Un nouveau projet éditorial
Tout est dit côté imagerie. Passons au contenu et commençons par un rappel : nous avons créé Voyageurs du Net fin 2011 et commencé à l’animer régulièrement à l’été 2012. Nous escomptions alors promouvoir un « tourisme alternatif », affichant sur le site : « Notre blog collaboratif milite pour un tourisme alternatif, responsable, économe et insolite ».
Ceci était mignon, assurément. Mais, le temps passant et l’expérience de l’expatriation et de voyages aussi – touristiques ou pas –, puis la réflexion, les rencontres et les lectures, nous ont permis d’observer le tourisme et ses effets, y compris celui dit « alternatif » (lisez, par exemple, notre reportage savoureux sur le parc écotouristique et communautaire d’El Chiflón, au Chiapas). Il nous est devenu difficile de défendre inconditionnellement un « tourisme alternatif », quand bien même il existe, sous ce label vague, des démarches nobles, honnêtes, justes.
Nous voulons moins promouvoir un supposé « tourisme alternatif » que proposer des outils de réflexion critique sur le fait touristique, sur les présupposés, les lieux communs, les croyances des voyageurs… et rendre compte aussi de démarches de « voyage alternatif », qu’elles soient ou non touristiques, pourvu qu’elles participent d’une vision du monde autre que régie par le consumérisme et l’imposture du « doux commerce », dont la réalité est souvent le ravage (social, économique, environnemental… et, au total, anthropologique).
Nous pouvons, certes, reconnaître que le « tourisme alternatif » peut s’avérer parfois utile (financer la protection de certaines espèces animales et certains écosystèmes, favoriser l’éducation, permettre financièrement la conservation du patrimoine historique… autant de choses qui ont un double tranchant), nous escomptons rendre compte de la diversité des façons de voyager. Car le voyage n’est pas exclusivement touristique, pas exclusivement limité aux quelques semaines de congés payés. Il peut se concevoir autrement, sur une durée longue, en immersion, en travaillant, en coopération ; il peut se pratiquer à vélo, à voilier, à pied ou de bien d’autres façons non moins inventives qui invitent à réapprivoiser le temps.
Qu’il s’agisse de lieux étonnants et parfois méconnus, d’hôtels écologiques, permaculturels ou insolites, qu’il s’agisse même de villes et communautés à découvrir pour la vision du monde qu’ils portent (Città Slow, villes en transition, lieux de démarches socialistes ou anarchistes, décroissantes ou permaculturelles… ou un peu tout à la fois), nous nous efforcerons à parler du voyage autrement, pas toujours sous un angle touristique, à vous faire découvrir, quand bien même ils n’ont rien de particulièrement touristiques, des lieux où se créent des alternatives à l’abjection capitaliste et libérale mondiale, démarches locales, courageuses, fraternelles, exemplaires.
Trois axes thématiques majeurs
Le site nouveau, dont vous pouvez, camarades, constater déjà qu’il est exquis, est construit autour de trois axes thématiques majeurs :
- Les lieux insolites : hauts lieux du tourisme international ou lieux insolites hors des autoroutes du tourisme, la planète abonde en musées insolites, en formations naturelles singulières, en architectures audacieuses, en traditions fascinantes. C’est de cette pluralité de merveilles naturelles ou de témoignages du génie humain que Voyageurs du Net entend rendre compte. En plus, ça fera une somme de jolies images à partager à ses copains sur Facebook, dans les moments creux au boulot. Allez, faites pas semblant de ne pas savoir de quoi on parle : on sait que vous le faites, on vous a vus.
- Penser le fait touristique : complexe, le fait touristique et mérite d’être analysé et critiqué. VDN se propose, à travers des intervioux d’intellectuels (dans quelques jours, d’ailleurs, nous publions celle de Paul Ariès : soyez à l’affût), de professionnels du voyage ou de voyageurs, des enquêtes et reportages et des articles de réflexion, d’apporter des éléments de réponse… pour inciter chacun à comprendre les enjeux du voyage et du tourisme, et à agir responsablement.
- Le voyage alternatif : sous ce label un peu vague, nous mettrons en avant des démarches touristiques (hôtels écologiques, tourisme communautaire, tourisme participatif…) ou non et tenterons d’éclairer le lecteur sur les possibilités d’un voyage autrement : conscient, responsable, curieux… et, pourquoi pas ?… non touristique (voyage à vélo, à pied, en trottinette ou en landau). Et puis, si le bonheur de nos rencontres et le rallongement à 48 heures de la journée nous permet d’y travailler, nous tâcherons de parler de voyage solidaire, fraternel, d’alternatives sociales et politiques en actes : communautés décroissantes ou autonomes, d’inspiration socialiste ou écologiste… ou autre… Et même, comme on est délicieux et charmants, on publiera même des conseils pratiques. C’est Noël toute l’année, en somme.
Natuurlijk, lectrices et lecteurs exquis, vos commentaires, remarques, vos conseils, objections, amendements, vos propositions de participation, seront éminemment bienvenues. Si vous souhaitez faire connaître un lieu enchanteur, exposer une réflexion sur un aspect choquant ou neuf, étonnant ou révulsant, relatif au tourisme et au voyage, faire part d’un témoignage, contactez-nous !
Loin de nous renier, nous répétons donc ce que nous écrivions déjà voilà un an :
Nous ne croyons pas en l’exotisme du « Ailleurs, tout est mieux » ni au paradis perdu. Le voyage est pour nous l’occasion d’échanger, de douter de soi, de devenir meilleur en portant une saine curiosité pour le reste du monde. En somme, de créer un lien humain dont nous avons le sentiment qu’il se délite à mesure que la culture capitaliste, en tant que « fait social total », pénètre toutes les strates de l’existence humaine. Il est donc important de se rencontrer, de se lier, de passer outre les représentations stéréotypées véhiculées par les merdias, d’exprimer et vivre sa solidarité avec l’espèce humaine.
Par ce site, nous espérons pouvoir contribuer à rapprocher les individus, à rassembler les ressources rendant possible l’expression d’une solidarité humaine par-delà les frontières, faite de respect de l’Autre, de son patrimoine, de sa culture et de son identité, de son environnement, faite aussi d’interrogation, de dialogue, d’entraide.Blogueurs et voyageurs du monde, unissez-vous… sur Voyageurs du Net !
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Il y a 2 commentaires
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Bravo pour le travail sur la nouvelle version, j’adore!
Et la ligne éditorial, j’approuve à 100% !
Longue vie au site!
Je viens de découvrir le site par l’intermédiaire de Fabrice et la ligne éditoriale en dit long.
Il me tarde d’en lire quelques illustrations dans les jours à venir.
VDN est mort, vive VDN !