A l’automne 2011, je propose un voyage à Athènes. Ce devait initialement être un ouicainde en amoureux à Amsterdam, mais la perspective me semblait trop plan-plan et, en ce début de novembre, promet une ritournelle façon « J’me les gèle, Michel ». A cette époque, et depuis déjà plusieurs mois, les remous sociaux et politiques de l’Europe, confrontée à l’impudence des banksters (mot-valise à partir de « banquiers » et « gangsters »), m’intéressent beaucoup et me causent un sentiment de fraternelle solidarité. Quelques mois plus tôt, en juillet, je me rendais d’ailleurs à Madrid, pour rencontrer les Indignés et piger un peu ce qu’était au juste que leur mouvement.
Le « plan d’austérité » en Grèce (ou encore, dans cette novlangue de la contre-révolution néolibérale, « plan d’ajustement structurel »), qui n’est en fait rien d’autre qu’un coup d’État de la ploutocratie financière, me préoccupent beaucoup. J’y vois alors le premier pas – ce que le temps a, hélas ! confirmé depuis lors – d’une attaque des oligarchies et ploutocraties contre les souverainetés populaires des nations européennes.

Et le dieu Mammon créa la Finance. Lire aussi, sur Ragemag, « Libéralisme : du Dieu du Ciel au Dieu du Fric » et « Les Dix Commandements de Mammon ».
Cet intérêt – politique – pour la situation dramatique me donne envie d’aller voir de plus près les effets quotidiens de l’abjection néolibérale et témoigner une certaine solidarité avec la Grèce. Pour finir, trois amis, tout aussi intéressés par la situation locale, se joignent à ma compagne et moi-même pour un court séjour dans la capitale grecque : nous n’y resterons en effet que quatre journées, forcément trop courtes.
Quelques rencontres intéressantes, d’autres assez décevantes : humainement et intellectuellement, le bilan n’est pas à la hauteur de nos espérances, faute d’une préparation et d’une recherche de contacts suffisantes. Le voyage improvisé a du bon dans certains cas, mais quand il y a un objectif déterminé, c’est la garantie d’un foirage. Résultat : si bien sûr nous avons ouvert grand nos yeux et été attentifs aux signes extérieurs, si nous avons aussi pu échanger avec des locaux, nous avons dû nous résoudre à simplement visiter Athènes, au hasard de ses rues…
Visite d’Athènes : la belle et rebelle zone anarchiste d’Exarchia
Ayant trouvé un hôtel dans le quartier anarchiste d’Exarchia, dont on nous dit que la police n’entre pas… ni, donc, le désordre (sic), nous passons notre temps à nous promener dans celui-ci et dans une bonne partie de la ville. Visitons telle église orthodoxe, austère et fière, vestige de foi au milieu d’une zone commerciale. Montons visiter une Acropole qui est décidément bien plus belle en imagination (ou dans la toile de Lawrence Alma Tadema Phidias exposant la frise du Parthénon) que dans ce qui en reste de pierres têtues, encore debout, ou de pierres effondrées. Il y a souvent sur ces lieux de mémoire quelque chose de morbide, ce sentiment de n’y voir en fait que le squelette d’un corps qui fut si beau, et que seules la mémoire ou l’imagination peuvent reconstituer. Triste impression encore, en parcourant ce lieu sacré de la religion civique grecque, de contempler en surplomb, depuis ce lieu symbolique de la cité où naquit la démocratie, non seulement la Grèce, mais l’Europe entière où une certaine idée de la démocratie a été mise à mort par les oligarques libéraux et leurs laquais gouvernementaux.

Quant on a rêvé d’Athènes, à renfort de lectures et d’images, cela donne quelque chose comme ceci (Lawrence Alma Tadema, « Phidias exposant la frise du Parthénon à ses amis », 1878)…

… et quant on s’y rend, ça ressemble davantage à ceci…
De restaurant en promenade, le séjour à Athènes s’achève d’une façon on ne peut plus paisiblement touristique, ayant des airs de safari photo à la chasse des plus beaux graffitis de la ville. En la matière, Exarchia s’avère le quartier le plus chatoyant, le street art – graff, fresque, de toutes tailles, de tous styles et motifs – de la capitale grecque y ayant élu domicile. De ce ouicainde qui aurait été mitigé sans les quelques enchantements de la visite à la modeste église orthodoxe, sans les joies de l’amitié, et sans ces merveilleux graffiti qui colorent la ville de poésie et de révolte, je vous offre une sélection de photos d’Athènes… Certains remarqueront que les squelettes de son prestige antique, si bafoué, si réduit, hélas ! à n’être qu’un amas de pierres destinées à aimanter les touristes, ont en fait moins de place que l’urgence de son présent, qui s’exprime dans son street art. Une certaine idée du tourisme alternatif, donc.
Pour un récit plus complet et plus léger, c’est chez l’ami Kalagan.
Pour d’autres délicieuses photos, c’est sur notre galerie FB street art/graffiti.
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Il y a 4 commentaires
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Très sympa ce street art, mais leurs supers monuments fait bien de la peine à voir… J’imagine le japonais et son super appareil HD, persuadé d’avoir un décor de cinéma à photographier arriver devant… ça…
Ah le Parthenon en éternelle rénovation. Et encore, c’est bien pire l’été avec une tonne de touristes. Mais bon, il faut bien l’entretenir! J’ai été à Athènes en 2007, j’ai trouvé que c’était une ville assez spéciale. Bouillante oui, mais je crois que je m’attendais à autre chose (sans savoir quoi exactement). Mon coeur de voyageuse a mal en le disant, mais je crois que j’ai été un peu déçue.
Oui le Parthenon est le plus important temple de l’époque antique et c’est toujours bondé de touristes à 8h plus précisément, heure d’ouverture. Et Athènes m’a beaucoup plu avec la diversité des sites archéologiques et j’ai préféré marcher pour découvrir tous les coins de la ville ce que je n’aurai pas pu faire en louant une voiture car la circulation est très dense.
il y a du bon et du mauvais à Athènes c’est certain, comme dans toutes les villes du monde. ça reste tout de même un pays fabuleux et vous faites bien de le mettre en lumière dans ce chouette article.